« N’y a-t-il point quelque danger à contrefaire le mort ? »
Argan, Acte III scène 11
Le malade imaginaire, pièce noire certainement, est surtout une pièce folle.
Écrivant vite, dans l’urgence, Molière pille allègrement dans ses propres œuvres : on trouve du Scapin, du Tartuffe, du Médecin volant…
Dramaturgie imparfaite, libre, ouverte, comme un brouillon, collision de scènes de farce et de débat d’idées, d’intermèdes chantés et dansés, l’écriture offre, en toute virtuosité, une grande puissance de vie.
Molière aurait, à coup sûr, beaucoup ri s’il avait assisté, vendredi soir, à la représentation de sa toute dernière pièce, « Le Malade imaginaire », par la compagnie Vol plané. Sans doute aurait-il même participé volontiers à cette subversion d’une pièce à jamais subversive. Ce qui est certain, c’est que le public, nombreux, n’a pas boudé son plaisir. Les quatre comédiens n’ont pourtant pas choisi la facilité en offrant une mise en scène dont le mérite majeur est de disparaître en laissant parfois croire qu’on assiste à une répétition. Sur une scène réduite au minimum pour rapprocher le public de l’action (comme au temps de Molière), sans le moindre jeu d’éclairage, sans costume, sinon les Tee-shirts portant les noms des personnages qu’ils campent tour à tour, et avec un bric-à-brac minimum comme décor, ou plutôt comme accessoires indispensables, ils se dépouillent totalement et affrontent le public sans le moindre artifice. Ne reste que leur sens aigu du texte qu’ils triturent avec bonheur, accélèrent ou ralentissent à la façon d’un dessin animé pour lui donner plus ou moins de force, et leur intelligence, ô combien évidente, du jeu avec des déplacements millimétrés et contrôlés à merveille. Si le mystère et la magie du théâtre peuvent y perdre, l’efficacité est absolue. Totalement complice, quasiment partenaire des comédiens, le public, parfois interpellé avec pertinence pour donner la réplique (ou une simple mimique), est entraîné dans le rythme effréné de la pièce et jubile tout autant que les acteurs qui s’en donnent visiblement à cœur joie et à qui on ne pourrait éventuellement reprocher parfois qu’un excès dans l’intensité. Le public, très volubile à la fin du spectacle, a beaucoup aimé les « intrusions » de commentaires dans le texte, rajouts il est vrai très convaincant pour donner du rythme là où la pièce en manque et surtout pour remettre d’actualité un débat, dépassé dans le texte original, sur les pratiques médicales. « Quoi de neuf ? Molière ! » Sacha Guitry dira toujours vrai tant qu’il y aura des troupes capables d’un tel engagement.
M.D.
SUD-OUEST le 19/11/2014
Ce spectacle tourne de nouveau dans le cadre de la reprise en tournée de L’avare et du Misanthrope
Crédit photos : Matthieu Wassik
Distribution
Mise en scène Alexis Moati et Pierre Laneyrie
avec
Carole Costantini
Stéphanie Fatout
Pierre Laneyrie
Alexis Moati
Régie Générale Nicolas Rochette et Thibault Pasquier
Durée : 1h35
Public : Tout public à partir de 12 ans
Production
Co-Production Compagnie Vol Plané et Théâtre de la Calade - Arles
Dossier de production
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